Civ. 1, 17 novembre 2021, n°Q 20-50.026
M. T, né en République centrafricaine et naturalisé français par décret du 12 janvier 2011, a fait transcrire sur les registres de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, les actes de naissance de ses deux enfants nées en République centrafricaine respectivement les 8 mars 2000 et 19 décembre 2007, et reconnues par lui le 5 décembre 2012.
Le ministère public demande l'annulation de cette transcription, ce que les juges du fond rejettent.
Le ministère public fait appel.
Selon l'article 18 du code civil : Est Français l'enfant dont l'un des parents au moins est Français.
En l'espèce, le père a acquis la nationalité française après la naissance de ceux-ci. Cependant, il a reconnu ses enfants après l’acquisition de la nationalité française..
La question était donc de savoir si, pour attribuer la nationalité française par le sang, il faut tenir compte de la nationalité du parent au jour de la naissance de l'enfant ou au jour où cette filiation est établie.
Si l'on tient compte de la nationalité du parent au jour de la naissance des enfants, ces derniers ne seraient pas Français car leur père n'avait pas à l'époque la nationalité française. En effet, la père est devenu Français par naturalisation, or l’acquisition de la nationalité française n'est pas rétroactive.
Si l'on tient compte de la nationalité du parent au jour de d'établissement de la filiation, les enfants seraient français car leur père avait acquis auparavant la nationalité française.
Les juges du fond retiennent la nationalité du parent au jour de l'établissement de la filiation, soit en 2012. Le parent étant français depuis 2011, alors les enfants étaient français selon l'article 18 du Code civil.
La Cour de cassation casse l'arrêt au visa de l'article 18 du Code civil et déclare que :
"la nationalité du ou des parents à prendre en considération pour l'attribution de la nationalité en raison de la naissance d'un parent français est celle que ce parent avait au jour de la naissance de l'enfant, peu important sa nationalité au jour de l'établissement de la filiation".
La question du changement de nationalité d'un parent pour l'établissement d'une situation juridique est connue. En droit international privé cette question relève du conflit mobile.
En matière de filiation l'article 311-14 du Code civil retient la nationalité au jour de la naissance, alors que pour la reconnaissance, qui bénéficie d'une règle spécifique, la doctrine considère qu'il faut retenir la nationalité de l'auteur au jour de la reconnaissance, l'article 311-17 du Code civil étant muet sur la question.
Si l'on appliquait l'article 311-17 du Code civil à l'espèce, il aurait fallu prendre en compte la nationalité du père au jour de la reconnaissance des enfants et non pas au jour de leur naissance. Or, l'article 311-17 du Code civil ne pouvait pas s'appliquer en l'espèce car la question concernait la nationalité des enfants et non pas l'établissement de leur filiation.
De plus, si les effets de la reconnaissance de paternité ont un effet rétroactif sur la filiation des enfants, dont le lien de filiation avec leur auteur se trouve établi dès leur naissance, tel n'est pas le cas de l'acquisition de la nationalité française.
L'acquisition de la nationalité française n'est pas rétroactive, ce qui explique qu'au jour de la naissance, le père n'étant pas Français, les enfants ne l'étaient pas non plus.
La solution de la Cour de cassation se comprend puisque l'article 18 du Code civil se trouve à la Section 1 : Des Français par filiation (Articles 18 à 18-1), qui est elle même comprise dans le Chapitre II : De la nationalité française d'origine (Articles 18 à 20-5). Dans la cadre de l'attribution de la nationalité par filiation, la personne est française dès l'origine, c'est à dire dès sa naissance. Même si la filiation est établie après la naissance de l'enfant, la filiation sera rétroactive au jour de la naissance. La filiation se prouve par la production d'un acte de naissance. C'est bien les actes de naissance des enfants dont le père a demandé la transcription au service central de l'état civil dans cette affaire. Il semble donc logique de retenir la réunion des critères d'attribution au jour de la naissance de l'enfant, en l’espèce la nationalité du père au jour de la naissance.
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