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Droit international privé

Actualité, Analyse et commentaire proposés par

Hélène Péroz

Professeure agrégée en droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de l'Université de Nantes

Of counsel  dans le cabinet d'avocats BMP et associés

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Photo du rédacteurheleneperoz

Bruxelles II bis. Notion de résidence habituelle de l'époux


CJUE, 25 novembre 2021, affaire C‑289/20



IB, de nationalité française, et FA, son épouse, de nationalité irlandaise, se sont mariés en 1994 à Bray (Irlande). Ils ont eu trois enfants désormais majeurs.


La famille réside en Irlande. Mais depuis l’année 2017, IB partait toutes les semaines en France pour y travailler. De fait, il avait deux résidences, l’une, familiale, en Irlande, et l’autre, professionnelle, en France, depuis de nombreuses années


Le 28 décembre 2018, IB a déposé une requête en divorce devant le tribunal de grande instance de Paris.


Selon l'article 3-1-a du Règlement n° 2201/2003 Bruxelles II bis

1. Sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, les juridictions de l'État membre:

a) sur le territoire duquel se trouve:

- la résidence habituelle des époux, ou

- la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l'un d'eux y réside encore, ou

- la résidence habituelle du défendeur, ou

- en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l'un ou l'autre époux, ou

- la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l'introduction de la demande, ou

- la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de la demande et s'il est soit ressortissant de l'État membre en question, soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, s'il y a son "domicile";


Le juge aux affaires familiales s’est déclaré territorialement incompétent pour statuer sur le divorce des époux au motif que la seule fixation du lieu de travail de IB en France ne pouvait suffire à caractériser sa volonté d’y fixer sa résidence habituelle, nonobstant les conséquences fiscales et administratives ainsi que les habitudes de vie en découlant.


La Cour d'appel saisit la CJUE d'une question préjudicielle


Un époux peut-il avoir sa résidence habituelle dans deux États membres, de sorte que les juridictions de ces derniers pourraient être compétentes pour statuer sur la demande de dissolution du lien matrimonial ?


Si l'époux peut avoir deux résidences habituelles, alors il bénéficierait d'une option de compétence. On pourrait faire le parallèle avec l'arrêt Hadadi (CJUE, 16 juillet 2009, C‑168/08 ), selon lequel il a été décidé que des époux qui possèdent plusieurs nationalités disposent d'une option de compétence et peuvent saisir les juridictions de chacun de leur nationalité (art. 3-1-b Règlement Bruxelles II bis)


La CJUE considère qu'un époux qui partage sa vie entre deux États membres ne peut avoir sa résidence habituelle que dans un seul de ces États membres.


La question est alors de savoir si IB résidait habituellement en France ou en Irlande ? Quels sont alors les critères de la résidence habituelle quand un époux a dans les faits deux résidences dans des Etats différents ?


La CJUE constate que le règlement Bruxelles II bis ne comporte aucune définition de la notion de « résidence habituelle », en particulier de la résidence habituelle d’un époux.


Elle considère qu'il faut apporter une interprétation autonome et uniforme, en tenant compte du contexte des dispositions mentionnant la résidence habituelle et des objectifs du règlement.


Pour cela, la CJUE la notion de « résidence habituelle » est caractérisée, en principe, par deux éléments, à savoir, d’une part, la volonté de l’intéressé de fixer le centre habituel de ses intérêts dans un lieu déterminé et, d’autre part, une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l’État membre concerné (57).


Même si la CJUE relève que la détermination de la résidence habituelle est une question de fait soumise à l'appréciation de la juridiction de renvoi, elle constate que le séjour en France de IB présente un "caractère stable" et permet de révéler, tout au moins, une "intégration de l’intéressé dans un environnement social et culturel" au sein dudit État membre.


Considérer qu'un époux ne peut avoir qu'une résidence habituelle n'est pas satisfaisant. En effet, les critères retenus par la CJUE peuvent tout aussi bien s'appliquer à la résidence en Irlande où se trouve le centre familial de ses intérêts et présente un degré suffisant de stabilité. C'est un reproche que l'on peut faire aux règlements européens d'avoir préféré le critère de résidence à celui du domicile. Car si on peut avoir plusieurs résidences, même habituelles, on ne peut avoir qu'un domicile. Mais la détermination du domicile est une question de droit et non de fait qui suppose de chercher la loi applicable pour sa détermination. Il faut relever que le Règlement n° 1215/2012 de Bruxelles I bis retient la critère de domicile pour déterminer la compétence des juridictions. Selon l'article 62 du Règlement Bruxelles I bis "Pour déterminer si une partie a un domicile sur le terri­toire de l’État membre dont les juridictions sont saisies, le juge applique sa loi interne". En France, le domicile est défini par l'article 102 du Code civil.



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