Civ. 1, 16 décembre 2020, n°19-20.948
L’enfant E... Y... est née le [...] 2014 à Paris de Mme Y..., de nationalité marocaine, sans filiation paternelle établie. Le 28 avril 2015, celle-ci, agissant en qualité de représentante légale de sa fille, a assigné M. X... devant le tribunal de grande instance de Meaux en recherche de paternité.
L'action en recherche de paternité est soumis à la loi nationale de la mère au jour de la naissance en application de l’article 311-14 du Code civil.
La mère est de nationalité marocaine, or, la loi marocaine prohibe l'établissement forcée de la filiation hors mariage.
La Cour d'appel se fonde sur l'application de la loi française puisqu'elle évince la loi marocaine normalement applicable comme contraire à l'ordre public international.
M. X forme un pourvoi en cassation et se fonde sur la loi marocaine.
La question est donc de savoir si une loi étrangère qui prohibe l'établissement de la filiation est contraire à l'ordre public international français.
Le jurisprudence a évolué sur la question.
Dans un premier temps, elle considère que les lois prohibitives ne sont pas contraire à l'ordre public dès lors qu'elles permettent des subsides.
Civ.1, 3 novembre 1988, n°87-11.568, R.1989.495
"Les lois étrangères qui prohibent l'établissement de la filiation ne sont pas contraires à la conception française de l'ordre public internationale dont la seule exigence est d'assurer à l'enfant les subsides qui lui sont nécessaires"
Puis dans un deuxième temps, la Cour de cassation reprend la jurisprudence et précise que de telles lois sont contraires à l'ordre public si l'enfant est français ou résidence habituellement en France.
Latouz, Civ. 1, 10 février 1993, n°89-21.997, R.1993.620
"Si les lois étrangères qui prohibent l'établissement de la filiation naturelle ne sont, en principe, pas contraires à la conception française de l'ordre public international, il en est autrement lorsque ces lois ont pour effet de priver un enfant français ou résidant habituellement en France, du droit d'établir sa filiation"
Le fait que l'enfant soit français ou réside en France entraine une plus grande exigence de l'ordre public international. Il s'agit d'une illustration de l'inlandsbezeiung ou ordre public de proximité.
Enfin, dans un troisième temps, la Cour de cassation ne fait plus référence à la nationalité française de l'enfant ou à sa résidence en France.
Civ. 1, 26 octobre 2011, n°09-71369 puis Civ. 1, 27 septembre 2017, n°16-19654.
Cependant les motivations de ces arrêts sont liées aux cas d'espèce et on pouvait se demander s'il s'agissait bien d'un nouveau revirement car les enfants résidaient en France. On ne pouvait que déplorer l'absence d'un attendu général, interrogeant sur l'existence d'un revirement.
Dans notre arrêt du 16 décembre 2020, la Cour de cassation énonce clairement la nouvelle règle dans un attendu de principe.
"Il résulte des articles 3 et 311-14 du code civil que, si la filiation est en principe régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant, la loi étrangère qui ne permet pas l’établissement d’une filiation hors mariage doit être écartée comme contraire à l’ordre public international lorsqu’elle a pour effet de priver un enfant mineur du droit d’établir sa filiation".
Il n'y a dès lors plus de doutes à avoir. Les lois étrangères prohibant l’établissement de la filiation hors mariage sont contraires à l'ordre public international. La solution est heureuse.
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