Civ. 1, 18 mars 2020, 19-11.573.
M. I... , de nationalité française, et Mme H... , de nationalité marocaine, se sont mariés le [...] à Fès (Maroc). Leur mariage a été transcrit sur les registres de l’état civil consulaire par le consul de France à Fès le 23 mars 2004. De leur union sont nés trois enfants. Mme H... a obtenu la nationalité française en juillet 2014. Après avoir déposé une requête en divorce le 27 janvier 2015, elle a assigné son époux en divorce pour faute le 4 février 2016. Le 30 juin suivant, celui-ci a saisi le tribunal de grande instance d’une demande d’annulation du mariage.
L'époux invoque au soutien de sa demande en annulation du mariage le fait que son épouse n'était pas présente lors de la célébration du mariage. Que le mariage par procuration était contraire à l'ordre public international français.
La Cour de cassation se fonde sur la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire et article 202-1 du code civil.
Tout d'abord, se pose la question de savoir si la présence d'un époux à son mariage est une question de forme soumise à la loi du lieu de célébration ou une question de fond soumise à la loi nationale de chaque époux. La Cour de cassation rattache la question de la présence d'un époux à son mariage au consentement au mariage. Cette question entre donc dans la catégorie des conditions de fond du mariage qui sont soumises à la loi nationale de chaque époux.
Ainsi, l'épouse étant marocaine au jour de son mariage, c'est la loi marocaine qui devait s'appliquer et préciser si le mariage par procuration était valable. Le fait que l’épouse ait acquis la nationalité française après son mariage importe peu.
En l’absence de contestation touchant à l’intégrité du consentement, la disposition du droit marocain qui autorise le recueil du consentement d’une épouse par une procuration n’est pas manifestement incompatible avec l’ordre public.
Reste la question de l'application de l'article 146-1 du Code civil qui dispose que "Le mariage d'un Français, même contracté à l'étranger, requiert sa présence".
La Cour de cassation précise que ce texte n’impose la présence de l’époux à son mariage qu’à l’égard de ses seuls ressortissants.
Or, si l'épouse s'est mariée par procuration dans le respect de sa loi nationale, l'époux français était bien présent à son mariage.
L'absence de contrariété à l'ordre public international français d'un mariage par procuration d'un époux étranger doit être justifié par une recherche de la réalité du consentement à mariage. Les juges du fond ont constaté que l’acte de mariage litigieux mentionne que Mme H... , qui n’était pas présente, a donné son autorisation, son consentement et la procuration à cette fin à son père. Il relève encore qu’elle a vécu plus de treize années avec son époux avant de déposer une demande en divorce et a créé une famille en ayant eu trois enfants.
L'absence de contrariété à l'ordre public du mariage par procuration est aussi, à notre avis, justifié par le fait que le mariage a été célébré à l'étranger.
Or, selon le jurisprudence Rivière, Civ. , 17 avril 1953 "la réaction à l'encontre d'une disposition contraire à l'ordre public n'est pas la même suivant qu'elle met obstacle à l'acquisition d'un droit en France ou suivant qu'il s'agit de laisser se produire en France les effets d'un droit acquis, sans fraude, à l'étranger".
La solution serait-elle la même si le mariage avait été célébré en France ? Là encore, le consentement est soumis à la loi nationale de chaque époux. Une personne de nationalité marocaine pourrait-elle se marier par procuration en France ? La situation étant créée en France, les exigences de l'ordre public sont plus sévères. Ainsi, il est plus que vraisemblable que la célébration en France d'un mariage par procuration en application de la loi nationale étrangère d'un époux serait contraire à l'ordre public international français.
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