Civ. 1, 18 mai 2022, n°F 21-11.106
Un homme et une femme de nationalité tunisienne se sont mariés en 2012 en Tunisie.
Les époux viennent s'installer en France à une date non précisée.
La femme assigne en France son époux en nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles tenant à l'absence d'intention matrimoniale de celui-ci.
La question était donc de savoir quelle loi s'appliquait à la réalité du consentement matrimonial d'époux étrangers mariés à l'étranger.
La Cour d'appel rejette la demande de l'épouse au motif que la loi française s'appliquait à la demande en nullité du mariage fondée sur l'erreur sur les qualités essentielles de l'époux.
L'épouse forme un pourvoi en cassation et reproche à la Cour d'appel d'avoir appliqué la loi française. Selon la demanderesse, l'erreur sur la personne ou les qualités essentielles du conjoint commise par un époux s'apprécie en considération selon sa loi nationale, en l'espèce la loi tunisienne. Elle relève également que le mariage ayant été célébré avant la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, l'absence d'intention matrimoniale relevait également de la loi nationale de l'époux et donc de l'article 3 du Code civil.
Les époux se sont mariés en 2012 soit avant la loi n°2013 et la loi 2014 créant et modifiant les règles de conflit de lois en matière de formation du mariage.
Selon la jurisprudence antérieure, les conditions de fond du mariage relevaient de la loi nationale de l'époux
La loi n°2013/404 du 17 mai 2013 portant sur le mariage pour tous a créé des règles de conflit en matière de formation du mariage.
L'article 202-1 du Code civil issu de cette loi reprend la jurisprudence antérieure :
Les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle.
La loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a complété l'article 202-1 du Code civil :
Quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement des époux, au sens de l'article 146 et du premier alinéa de l'article 180.
Cet apport de la loi de 2014 visait à contrer les mariages blancs mais il avait été relevé qu'il risquait de menacer, par son imprécision, la liberté du mariage (H. Fulchiron, Règle de conflit de lois et lutte contre les mariages forcés - . - Qui mal embrasse, trop étreint, JCP G, 9 Février 2015, doctr. 17).
Cette loi d'application immédiate et non rétroactive, ne doit en principe s'appliquer selon l'article 2 du Code civil qu'aux conditions de formation des mariages célébrés après son entrée en vigueur. Pour les mariages célébrés avant son entrée en vigueur, la jurisprudence reste applicable.
Pour autant la Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve donc la décision de la Cour d'appel mais opère une substitution de motif.
Elle fait application de l'article 202-1 du Code civil et considère que l'épouse se prévalait d'un défaut d'intention matrimoniale .
Par application de l'article 202-1 in fine du Code civil elle applique donc la loi française et plus précisément l'article 146 du Code civil.
La Cour de cassation va à l'encontre de sa jurisprudence antérieure où elle avait fait application de l'article 3 du Code civil et donc de la loi nationale à la demande en annulation d'un mariage célébré en 2009 pour erreur commise sur les qualités essentielles de la personne
Civ. 1, 25 Mai 2016 – n° 15-14.666
Sur quel fondement s'opère ce revirement de la Cour de cassation ?
En l'absence de disposition transitoire de la loi de 2014, celle-ci ne s'applique en principe que pour les mariages célébrés après son entrée en vigueur selon l'article 2 du Code civil.
Le moins que l'on puisse dire est que la Cour de cassation ne justifie pas l'application de l'article 202-1 du Code civil alors même qu'elle opère une substitution de motif. Elle ne vise aucune disposition transitoire. Il est difficile d'envisager que l'article 146 du Code civil soit une loi de police applicable, alors même que les époux sont étrangers et que le mariage a eu lieu à l'étranger.
On ne peut que regretter ce silence de la Cour de cassation qui ne va pas vers la clarté de la jurisprudence.
Comments