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Droit international privé

Actualité, Analyse et commentaire proposés par

Hélène Péroz

Professeure agrégée en droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de l'Université de Nantes

Of counsel  dans le cabinet d'avocats BMP et associés

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Photo du rédacteurheleneperoz

Question de la perte de la nationalité française après l'acquisition d'une nationalité étrangère


Civ. 1, 30 mars 2022, n° 20-22.050.




Mme [L] [G] est née le 3 septembre 1926 en France de parents Français. Elle s'est mariée le 6 juillet 1946 avec M. [I], de nationalité tunisienne, et a acquis la nationalité de son époux par déclaration du 25 mai 1957.


Elle a assigné le ministère public pour voir juger qu'elle avait conservé la nationalité française. Après son décès, l'instance a été reprise par ses héritiers.


La Cour d’appel de Paris rejette sa demande sur le fondement de la Convention générale entre la France et la Tunisie, conclue à Paris le 3 juin 1955.


La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et statue au fond dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.


Tout d’abord, elle considère que la Cour d’appel a fait une fausse application de la Convention franco-tunisienne de 1955 en ce que cette dernière régit exclusivement les relations entre les Etats parties et n'est pas d'effet direct à l'égard des particuliers, lesquels ne peuvent ni en revendiquer l'application ni se le voir opposer.


Ensuite, La Cour de cassation statue au fond en application des règles de droit commun de la nationalité française applicable au moment du mariage de la demanderesse en 1957.


Elle rappelle dans un premier temps qu’en application de l’article 21-3 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945, est Français l'enfant, légitime, né en France d'un père qui y est également né.


Il est donc acquis que la demanderesse était française à sa naissance.


Reste à savoir si elle a conservé sa nationalité française malgré l’acquisition de la nationalité tunisienne.


Pour le savoir, il faut donc rechercher les textes applicables au moment du mariage qui a été célébré en 1957.


Selon l’article 87 du Code de la nationalité issue de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945, perd la nationalité française le Français majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère.


Pour autant, L'article 9 de cette même ordonnance, dans sa rédaction issue de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954 apporte un tempérament.


Ce tempérament apporté à l’article 87 prévoit que l'acquisition d'une nationalité étrangère par un Français du sexe masculin ne lui fait perdre la nationalité française qu'avec l'autorisation du Gouvernement français.


La Cour de cassation rappelle que la décision n° 2013-360 QPC du 9 janvier 2014, le Conseil constitutionnel a déclaré que l'article 87 du code de la nationalité française, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945, conforme à la Constitution, mais qu'étaient contraires à celle-ci les mots « du sexe masculin », figurant à l'article 9 de cette même ordonnance, dans sa rédaction résultant de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954.



Selon le Conseil constitutionnel cette inconstitutionnalité ne pouvait être invoquée que par les femmes qui avaient perdu la nationalité française par l'application des dispositions de l'article 87 du code de la nationalité française entre le 1er juin 1951 et l'entrée en vigueur de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973, ainsi que par leurs descendants.


Ainsi, le tempérament à la perte de la nationalité française à la suite à l’acquisition volontaire d’une nationalité française s’applique également aux femmes et n’est pas limité aux hommes.


Une fois les textes applicables déterminés, la Cour de cassation déclare que la demanderesse n'a pas perdu sa nationalité Française de naissance en acquérant par déclaration, le 25 mai 1957, la nationalité tunisienne de son époux.


En effet, elle était française de naissance, elle s’est mariée en 1954 à l’époque où l’article 87 du Code de la nationalité subordonnait la perte de la nationalité française à une autorisation du Gouvernement français.


Cette autorisation n’ayant pas été faite, il y a lieu de considérer que la demanderesse n’a pas perdue sa nationalité française et que ses descendants peuvent s’en prévaloir.

Reste que les nombreuses réformes de la nationalité française depuis ces dernières décennies sont d’une particulière complexité.

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