CJUE, 7 novembre 2024, affaire C‑291/23 [Hantoch]
L’article 10 du Règlement (UE) n°650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen fait encore l’objet d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne.
L’article 4 du règlement européen succession donne compétence de principe au tribunal du lieu de la dernière résidence habituelle du défunt.
Pour autant, l’article 10 prévoit une compétence subsidiaire au bénéfice de la juridiction du lieu de situation des biens.
Selon l’article 10 :
1. Lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un État membre, les juridictions de l'État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession dans la mesure où:
a) le défunt possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès; ou, à défaut,
b) le défunt avait sa résidence habituelle antérieure dans cet État membre, pour autant que, au moment de la saisine de la juridiction, il ne se soit pas écoulé plus de cinq ans depuis le changement de cette résidence habituelle.
2. Lorsque aucune juridiction d'un État membre n'est compétente en vertu du paragraphe 1, les juridictions de l'État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur ces biens.
La Cour de justice a considéré que le juge devait d’office appliquer la compétence subsidiaire. Ainsi si le juge d’un Etat membre de l’Union européen est incompétent parce que le défunt réside dans un État non membre de l'Union européenne, il devra vérifier même d'office, sa compétence en vertu de l'article 10 du Règlement.
CJUE, 7 avril 2022, Affaire C-645/20.
En l’espèce, le défunt, né en Égypte, a vécu et travaillé pendant de nombreuses années en Allemagne, où il a également fondé une famille. À la date de son décès en Égypte, le 18 mars 2017, il avait la double nationalité allemande et égyptienne.
Ainsi, le défunt avait sa dernière résidence habituelle en Egypte au moment de son décès.
Se pose la question de la compétence des juridictions allemandes en raison de la présence de biens en Allemagne, il s’agissait d'avoirs détenus auprès d'une banque allemande, notamment en des créances auprès de l’administration fiscale et d’une compagnie d’assurance maladie privée.
Or, l’héritier réservataire soutient que les juridictions allemandes ne sont pas compétentes.
La juridiction allemande de renvoi s’interroge sur sa compétence. Elle fait observer que la doctrine allemande est divisée sur la question de savoir à quel moment il faut se placer pour apprécier la condition relative à la présence de biens successoraux dans l’État membre de la juridiction saisie. Pour certains, c’est le moment du décès qui serait déterminant, alors que d’autres considèrent que c’est celui de l’introduction de la demande en justice.
La Cour de justice est alors saisie d’une question préjudicielle afin de savoir si la compétence subsidiaire d’un Etat membre est subordonnée à la présence de biens dans cet État membre au moment de la saisine de ces juridictions ou s’il suffit qu’ils soient présents au moment du décès.
Selon la Cour de justice afin de déterminer si peut s’exercer la compétence subsidiaire, pour statuer sur l’ensemble de la succession, des juridictions de l’État membre dans lequel sont situés des biens successoraux, il y a lieu d’examiner si ces biens sont situés dans cet État membre non pas au moment de la saisine de ces juridictions, mais au moment du décès.
Il en résulte que les juridictions allemandes sont compétentes pour l’ensemble de la succession du fait de la présence de biens en Allemagne au moment du décès et de la nationalité allemande du défunt.
La solution doit être approuvée. Elle est importante surtout lorsque seuls des biens meubles sont situés dans un Etat membre de l’Union européenne, avec le risque non négligeable qu’ils n’existent plus au moment de la saisine de la juridiction. Or, il y a forcément un délai, souvent important, entre le décès du défunt et la saisine d’une juridiction. La solution de la Cour évite ainsi toute difficulté liée au délai de saisine et le risque de disparition des biens au moment de celle-ci .
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